dimanche 15 mai 2005

Décès de Salah Saâdaoui


Un grand artiste tire sa révérence




L’artiste polyvalent Salah Saâdaoui s’est éteint dans un hôpital parisien à l’âge de 69 ans des suites d’une longue maladie. Il part en laissant derrière lui un riche répertoire en arabe dialectal et en tamazight, sa langue maternelle.Salah Saâdaoui, très connu au sein de l’émigration, demeure presque méconnu dans son pays. A vrai dire, Salah Saâdaoui est un peu le dernier des Mohicans de la chanson de Houzia». Il est de la même trempe que Dahmane El Harrachi ou Akli Yahiatène. D’ailleurs, il nous a raconté un jour qu’il avait failli perdre la vie au même endroit où Dahmane El Harrachi a eu son accident qui lui a coûté la vie. Une étonnante coïncidence !Salah Saâdaoui possède un riche répertoire de chansons dont les thèmes sont divers. Il possède aussi plusieurs sketches audio avec Cheikh Noureddine et Kaci Tizi Ouzou. Salah, pour ceux qui ne le connaissent pas, était issu d’une famille d’artistes. Frère de Hamou, comédien professionnel et marionnettiste, il a fait partie de l’équipe artistique du FLN durant la guerre de Libération. Sa mère était poétesse et Salah en a hérité le don de la poésie. Salah a abordé plusieurs sujets, du social au comique, tels que Yechrak yitij yuli ouas, Thadhaoua thafath afmaden irkouli, Koul oumek youfa el venas ou meskar ou melili. Il a aussi abordé la situation des émigrés maghrébins et leurs problèmes. En parlant de leur exil et de leur aliénation par les jeux de hasard et autres machines à sous, il dira : «Loqmar oulkas lâareb âabdinhoum yanas», allusion à ceux qui occupent leurs heures de repos dans les bistros, en s’adonnant à la boisson et au poker, y laissant le plus souvent leurs maigres salaires… Il a aussi chanté l’aliénation des jeunes issus de l’émigration : «Kocain nefanefa ili chemha yeomen latelt el khali la habib la ouali yamchi âaryan blafard».A vrai dire, toutes les K7 de Salah, dont le nombre est indéterminé, sont pratiquement en vente chez certains disquaires. Les médias ne l’ont jamais abordé de son vivant, même quand il était sur son lit d’hôpital. Enfin, c’est le sort de pas mal de grands artistes de talent qui meurent en exil. Une de ses chansons anciennes disait ceci : «A rebi ketch del qaoui âajled sedouaoui tharouihth bezaf ath dhâa thakhlaqdhid dhahouaoui arayiou del meroui anchoïade ourn qatâa mathhazridh ouléma aloui almouth akhir nan dharma oula coulas dhasadhmâa». Enfin Salah Saâdaoui allait même enregistrer Mohamed prend ta valise de Kateb Yacine en K7 audio en 1984. L’enregistrement a été effectué au Théâtre de Bel Abbès avec les comédiens. Malheureusement, le projet n’a pas vu le jour et les bandes sont toujours chez lui.Salah, de son vivant, a essayé par tous les moyens de transmettre son message par la chanson ou le sketch. Il possédait une boutique à Stalingrad où il vendait des K7 et des instruments de musique. Lui-même jouait sur scène de la derbouka, tout en chantant. Puis il a appris à jouer du luth tardivement.De toutes les façons, Salah a aidé la majorité des artistes en difficulté sur le plan artistique et matériel.


quotidien La Nouvelle République: 15/5/05

15-05-2005H. M. Kahina